Rolls-Royce Enthusiasts' Club

Belgium Luxembourg Section


Histoire de la Bentley Mark VI B401DZ

du Président


J’ai acheté cette Mark VI DHC Park Ward de 1948 le 31 août 1995 à un ami en Belgique.

Celui-ci l’avait acquise quelques années auparavant de la veuve d’un collectionneur, Mr. Woollett, laquelle, au décès de son mari, se voyait à la tête d’une collection trop importante.  C’est du moins ce que l’ami prétendait.

Le document « Car or Chassis Specifications – Work instruction » daté du 26/1/49 indique comme client Weybridge Autos Ltd pour son client L. Odell.   Il n’en a probablement pas pris livraison, car le document d’usine  « Report on test of complete car », datée du 13 mai suivant dit que le client est H(arold). Radford Ltd * et le propriétaire le Major J. Brener.  D’après les fiches qui m’ont été communiquées par le Bentley Drivers Club,celui-ci était un fonctionnaire de la défense et il avait emmené la voiture en Suède où il était en poste. (Allied Military Permit Office,  Havslagaregatan, 2,  Stockholm, Sweden)  Une mention indique que le véhicule a été embarqué à Douvres destination Ostende le 20/7/49.  L’immatriculation est alors KYC758.  

Combien d’années est elle restée là haut ?  Quand est-elle revenue en Angleterre ?   Mystère !.  En tout état de cause, on la retrouve 40 ans plus tard, le 12 mars 1990, où un certain B. Grant, si je lis bien le reçu manuscrit, l’achète pour 48.000,00 £ à un certain Mr. Illisible, mais dont les coordonnées figurent sur son papier à lettre : « Riponhurst » Heronway Hutton Mount, Brentwood, Essex CM13 2LG ainsi que le numéro de téléphone (0277)218772.  Est-ce ce monsieur qui l’a acheté au major J(ack) Brener ?  Y a-t-il eu d’autres propriétaires entre-temps ? Y a-t-il eu changement d’immatriculation car dès 1990, c’est devenu HSU415 ?  Dans quel état était-elle après 40 ans ? Il devait être apparemment bon, si l'on juge le prix à l'aune du marché d'aujourd'hui.

La photocopie d'un page qui doit probablement être tirée d’un catalogue de vente aux enchères, émargé au crayon 19/3/1990 mentionne cette voiture sous le numéro de lot 546.  Estimation: £ 50.000-55.000.  Huit mois après, le 9/10/90, d’après un reçu également manuscrit, un certain autre Mr Illisible (mais qui pourrait bien être Barry Grant) vend la voiture 48.000.00 £ à Mr. R. Woollett.

A partir de là, j'ai quelques documents : des factures, des certificats MOT, l’assurance et l’immatriculation de Mr. puis de Mrs. Woollett.

Qui a fait repeindre et restaurer ou modifier cette voiture, à l’origine bleue foncée, mais repeinte en caribbean blue et placer une nouvelle capote, état dans lequel je l'ai achetée.

Il reste un autre mystère: le service des archives du RREC m’a communiqué les quelques photos dont il disposait.  Voyez plutôt.  Là photo 1 où elle est immatriculée HSU 415, est incontestable, étant exactement la même que celle qui figure dans le bulletin de July/Aug. 1993, issue 199 p.20 où, d’après la légende, Mrs Woollett pilote B401DZ en compagnie de John et Ann Watkins à Felbrigg Hall fin mai 1993,  Par contre, la photo où elle est immatriculée 7BCG (photo 3) est douteuse.  Non seulement elle n’est pas datée, mais encore, elle montre la voiture avec une antenne radio du côté droit, où les rétroviseurs sont sur les garde boue et on voit aussi une ornement chromé sur les panneaux amovibles des roues arrière.  C’est troublant car lorsque il y a peu, j’ai fait restaurer la voiture, on a trouvé sous la peinture des traces indiquant que ces accessoires avaient existé précédemment.  Est-ce bien B401DZ sur cette image ?  Il semble bien que le sticker collé au pare brise soit celui d’un rassemblement annuel du RREC. Qui se reconnaît dans cette photo ?

J’aimerais pouvoir compléter l’historique qui reste muet sur 40 ans d’existence de ce véhicule et fait ici appel à toute la communauté des RR & Bentley Enthusiast’s.

***

La restauration.

Je me suis bien diverti avec cette voiture, qui, malgré avaries et pannes dues à la vieillesse, ainsi que quelques défauts que je n’avais pas vu au départ, m’a donné satisfaction pendant 10 ans.  Durant tout ce temps, j’y ai travaillé en espérant en améliorer l’aspect et la mécanique.

En 2005, ma Mark VI consommait tant d’huile que je ne pouvais pas participer aux sorties sans prévoir un bidon, sans surveiller perpétuellement le niveau, et endurer les reproches de ceux qui me suivaient sur la route et qui se voyaient gratifiés de projections sur leurs pare-brise.  

Au meeting annuel du RREC de 2005, j’ai contacté une firme très connue en Angleterre pour la qualité de ses restorations et lui ai montré le véhicule.  Impossible bien entendu de donner un avis.  Il faut d’abord  nettoyer, démonter le moteur et tout inspecter pour identifier l’usure et les fuites éventuelles.  J’ai pris rendez-vous pour une visite à l’atelier.  J’y amenai le véhicule en novembre.

Peu de temps après, je reçus le rapport d’inspection.  Elle avait été testée sur route et inspectée de l’extérieur.   Déception ! tout ce que j’avais cru être des améliorations personnelles était qualifié de « mauvaise restauration,  travail d’amateur, de pièces non conformes, et tutti quanti.  Rien n’était bon.  J’étais vexé !   Le devis ne me paraissait pas exagéré:mais il précisait qu’il ne tenait pas compte des surprises que l’on découvrirait au démontage et auxquelles il fallait palier.  Pour la sécurité, j’ai accepté toute la partie mécanique, c'est-à-dire le moteur, la boîte de vitesse dont un pignon était bruyant, la suspension, et les freins.  Le travail a commencé aussitôt.  

Lors de ma première visite d’inspection, voyant la voiture à moitié démantelée, je me suis dit que tant qu’elle était immobilisée, pourquoi ne pas la faire repeindre.  Oui, mais il faut tout gratter, localiser l’éventuelle corrosion et y remédier avant que de songer à la repeindre.  Ce joli et relativement rare modèle méritait bien un peu de cosmétique après la mécanique.  J’ai commandé les travaux.

Premier restaurateur.

Le cauchemar a alors commencé.  A la seconde visite, j’ai dû constater que cette voiture n’était qu’une épave.  Rien n’était d’équerre.  Le côté gauche n’était pas pareil au côté droit, la carrosserie révélait beaucoup de corrosion souvent masquée par de très médiocres restaurations.  J’en ai beaucoup voulu à l’ami qui me l’avait vendue sans avoir rien dit alors qu’il me l’avait décrite comme « dans son jus ». Ce jus était vraiment saumâtre !  Comme disait Brassens en parlant de sa maîtresse :j’avais acheté « une jolie fleur dans une peau de vache ».  Ce monsieur qui se disait expert est soit malhonnête, soit incompétent. Choisissez !  La voiture avait probablement été accidentée et tout le côté gauche avait été endommagé.  Là aussi il fallait tout refaire.  Et la succession de factures a recommencé.  A chaque visite, j’acceptais les travaux supplémentaires qualifiés par la firme d’indispensables pour un résultat final satisfaisant.  

Tout a été refait: En plus du moteur, on a reconditionné la direction, la boîte de vitesse, la suspension, le système de graissage one shot, les freins,  la boîte de vitesse etc… etc… A ce stade, et après tant de dépenses, c’eut été stupide d’arrêter tout.  Au contraire, j’ai commencé à rêver d’une restauration complète pour arriver à l’état « concours »  La valse des travaux supplémentaire avait commencé avec la facturation à l’avenant.

Cela a duré encore plus d’un an avant de voir mes réserves financières dédiées au projet arriver à leur fin.  

Avec la crise pour justifier ma reculade, j’ai arrêté les frais, repris la voiture en pièces détachées, prétendant l’avoir vendue en l’état à un ami, mais en réalité,  je l’ai confiée à un autre garage que je croyais plus diligent et moins cher.

Second restaurateur.

Nouveau devis, nouveau rapport d’inspection, nouvelles déceptions.  Peu de ce qu’avait fait le premier atelier n’était convenable, sauf peut-être la mécanique, à priori bien refaite mais sous réserve de vérification, avec cependant quelques lacunes criantes que l’on a du corriger ou compléter.  J’ai porté plainte auprès la première firme et interpellé aussi plusieurs personnes influentes au RREC, espérant un arbitrage et une compensation.  Je n’ai pratiquement rien obtenu.


Au nouveau garage, on a commencé par séparer la caisse du châssis, sabler celui-ci et le repeindre.  Heureusement, il était en relativement bon état.  Ce fût, je crois, une grave erreur du premier atelier de ne pas avoir prévu ce travail.  On ne restaure pas un véhicule sans tout démonter.  Malheureusement, je n’avais pas été précis dans ma demande.  

Le plancher arrière, médiocrement rafistolé par le précédent atelier a été enlevé et refait, de même que le tablier et bien d’autres éléments de carrosserie qui ont été à nouveau enlevés et entièrement reconditionnés, ajustés et les pièces manquantes ou jugées non conformes ont été remplacées, tout cela aux normes les plus élevées.

J’ai emmené chez moi les parties boisées en vue de les revernir.  Là, je me suis aperçu, après avoir gratté la médiocre couche de peinture qui couvrait le tableau de bord,  que celui-ci avait été probablement brisé au cours de l’accident que je subodorais, accident où elle avait dû verser dans le fossé, car celui-ci était en deux parties de bois différents grossièrement ajustés et maquillés par une médiocre peinture imitant le bois noble.  De plus, il n’était pas complet.  J’avais maintenant confirmation pleine et entière d’un crash que l’on m’avait caché.

Après avoir contacté la veuve du propriétaire précédant, je n’ai pu rien apprendre à propos d’un accident antérieur.  Son défunt mari aussi avait probablement été dupé et c’est probablement pour cela que la veuve l’a revendue.


J’ai mis dans le coup mon gendre, qui habite dans le Surrey à une heure de l’atelier et qui a pu de temps en temps surveiller l’avancement des travaux.

Tout cela a pris encore deux ans de travail, avec de nombreuses visites sur place.


Peinture et Capote.

Début 2010, La voiture a été envoyée chez un des meilleurs ateliers de peinture du Royaume Uni.   Le résultat a dépassé mes espérances.  Le choix de la teinte pourrait peut-être prêter à critique.  Dark sapphire blue est une couleur moderne qui couvre quelques Bentley d’aujourd’hui,  Cette peinture métallisée n’existait pas en 1949.  Je me dis qu’aucune voiture de cette époque n’a actuellement sa teinte d’origine, et qu’il est permis de choisir ce qui vous plait davantage, qui est plus proche de sa teinte d’origine et qui de surcroît est bien assorti à la sellerie.

Ensuite, une nouvelle capote a été confectionnée, et toutes les parties chromées ont été rectifiées pour être ensuite re-chromées.  Pour en améliorer l’esthétique, j’ai fait ajouter deux lignes chromées sur le coffre car je trouvais qu’il y avait là une trop grande surface sans relief.

Le résultat est plus que parfait.

Il y aura bientôt cinq ans et demi que la voiture est en Angleterre.

***

J’ai perdu beaucoup de temps à changer de fournisseur.  Le second n’est pas moins cher que le premier.  Le seul avantage retiré de ce changement fut de profiter de mes régulières visites pour aller voir ma fille dans le Surrey.

Il me reste maintenant soigner les boiseries que je compte plaquer et vernir moi-même.  J’ai acheté le matériel voulu.  Il reste encore un peu de travail de garnissage, dont les carpettes, travail que je me réserve pour le printemps 2011 en espérant que ma voiture soit prête pour le grand rendez-vous annuel où je compte la présenter aux juges en vue d’obtenir une cocarde.  La voiture restaurée entièrement m’est promise pour fin février 2011.


Tout bien réfléchi, l’historique de la jeunesse et de l’âge mûr de cette voiture ne m’importe plus beaucoup, puisque somme toute, je repars avec une voiture entièrement neuve.  En un mot comme en cent, ce projet un peu fou aura fini, prix d’achat compris, par me coûter davantage que l’achat à neuf du plus beau des modèles récents de la marque et ce n’est pas peu dire.

En conclusion, il faut s’entourer de bien de précautions et d’expertises avant d’acheter un ancêtre.  Ce n’est pas facile.  Pour ce qui est de l’effet d’entraînement dans les travaux de restauration et de leur coût, nous sommes, nous, passionnés de ces belles mécaniques, faibles et tout à fait dépendants du résultat qu’on espère obtenir et de l’agrément que l’on rêve d’en obtenir.

En tout cas, ce n’est pas raisonnable. De plus, oserai-je encore rouler avec la crainte de toucher, d’user, d’abîmer ou de perdre un tel trésor ?

Evrard d’Ursel
dursel@skynet.be



* Harold Radford Ltd  était sans doute le dealer.  Cette firme bien connue aujourd’hui disparue, était aussi carrossier, comme en témoigne une photo que j’ai prise à l’embarquement de Calais en août 1998.  Il s’agissait également d’une Mark 6 transformée, appartenant à un membre du RREC .

Le président,  Evrard d'Ursel (25 janvier 2011)

Mark VI B401DBZ

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